Réfléchir à notre manière de penser : un premier pas pour changer le monde ?

Systems Innovation Paris Hub
5 min readJun 6, 2020

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Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi nous continuons à produire des résultats dont personne ne veut ? Personne ne veut l’extinction des espèces, personne ne veut le dérèglement climatique, personne ne veut vraiment d’une inégalité aussi frappante. Pourtant, c’est ce que nous obtenons. Encore et encore.

“Il s’agit d’un problème structurel”, répondent certains. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement ? Et, dans tous les cas, pourquoi ne pouvons-nous pas mettre en place une structure adéquate ?

Je dirais qu’une partie de la réponse à ces questions se trouve dans notre façon de penser. Et notre façon de penser pourrait être divisée en deux parties : la façon dont nous pensons biologiquement, due aux mécanismes de notre cerveau, et la façon dont on nous a appris à penser.

Commençons par la première. Quelques personnes ont beaucoup de connaissance, la plupart d’entre nous en savent très peu sur le fonctionnement de notre cerveau. Et en effet, nous nous considérons souvent comme plus rationnels, moins influençables et plus objectifs que ce que nous sommes réellement.

Nous réfléchissons rarement à notre façon de penser. Mais en quoi notre façon de penser influe sur la réalité que nous observons ? Ce que notre culture considère comme “normal” détermine-t-il ce que nous acceptons sans nous poser de questions ? Sommes-nous vraiment impartiaux ? Accordons-nous la même attention aux informations qui renforcent nos croyances qu’à celles qui les remettent en question ? Quel rôle les émotions jouent dans notre raisonnement ? Et comment prenons-nous nos décisions ?

Pour avoir un esprit critique, il faut commencer par se poser certaines de ces questions. La pensée critique consiste à être conscient de nos limites et de nos préjugés, de la façon dont certaines choses que nous prenons pour acquises peuvent biaiser nos analyses. Il s’agit de réfléchir à notre façon de penser, afin de nous améliorer la dessus. Il s’agit d’être conscient de la manière dont les mécanismes de notre cerveau influencent notre raisonnement.

Notre cerveau aime par exemple les habitudes, car grâce aux habitudes, nous automatisons certaines fonctions et consommons donc moins d’énergie. Et notre cerveau adore économiser de l’énergie. C’est pourquoi il est si difficile de changer ses habitudes : notre cerveau lutte littéralement contre cela.

Les habitudes impliquent que nous sommes plus enclin à penser de la façon dont nous sommes habitués à penser. La façon dont nous sommes habitués à penser est à son tour influencée par la façon dont on nous a appris à penser. Mais alors comment nous a-t-on appris à penser ? À moins d’avoir fréquenté des écoles très spécifiques, il est fort probable que vous ayez appris le processus analytique de raisonnement, qui implique que, lorsque vous êtes confronté à un problème, peu importe la complexité du système que vous analysez, vous essayez de le décomposer. Vous le divisez en parties, vous analysez les propriétés de ces parties, et vous les remettez ensemble, de manière à comprendre le problème ou le système dans son ensemble.

L’approche analytique est souvent enseignée comme LA façon de penser, mais il existe pourtant une autre façon : ce que nous appelons l’approche systémique ou holistique. Plutôt que de diviser le système et d’analyser ses différentes parties, l’approche holistique nous permet de nous concentrer sur la manière dont les éléments sont organisés. Nous nous concentrons sur les interconnexions, plutôt que sur les caractéristiques d’éléments spécifiques. Sur l’ensemble, plutôt que sur les parties.

Les ministères ou les services des entreprises sont le résultat de l’approche analytique. Avec cette approche, il est plus facile que quelqu’un s’occupe du logement, quelqu’un d’autre du transport et quelqu’un d’autre encore de la santé. Même si les logements, les transports et les habitants d’une ville font tous partie du même système. Ils sont tous interconnectés et s’influencent mutuellement. Mais l’analyse de ces interconnexions est complexe. Nous nous organisons donc en silos pour “échapper” à cette complexité, et donc éviter d’avoir à la gérer.

Cela pose-t-il un problème ? Oui, oui si vous analysez des systèmes complexes, ce qui est probablement le cas si le titre de cet article a attiré votre attention. Un système complexe est un type de système qui a la particularité d’avoir des parties fortement interconnectées et interdépendantes. On dit souvent que la mondialisation a rendu le monde plus complexe aujourd’hui par exemple. Et c’est le cas, la globalisation a augmenté, de manière significative, le nombre d’interconnexions et l’interdépendances entre les pays, les industries, les marchés ou les personnes : le COVID en est un bon exemple !

Le fonctionnement et les résultats des systèmes complexes sont principalement définis par leurs inter-relations, par la façon dont les parties sont organisées, et non par les caractéristiques des éléments individuels. En décomposant un système par une approche analytique, nous limitons l’analyse aux caractéristiques des parties et ignorons donc ce qui définit réellement le résultat d’un système complexe.

En décomposant le système en plusieurs parties, nous supposons également que l’ensemble est la somme de ses parties. Cependant, dans les systèmes complexes, l’ensemble peut être plus ou moins que la somme de ses parties, selon les synergies — c’est-à-dire les interactions non linéaires — qui ont lieu. Cela éclaire une autre hypothèse de l’approche analytique : l’hypothèse de la linéarité. L’approche analytique suppose une causalité linéaire : A impacte B mais B n’a pas d’impact sur A en retour. De plus, A et B sont indépendants des autres parties du système. Cela implique que les outputs d’un système sont directement proportionnelles à ses inputs, et donc que la somme de ses parties doit être égale à l’ensemble (ce qui n’est pas le cas lorsque les synergies sont prises en compte).

Analyser un système complexe avec une approche analytique, c’est comme essayer de voir — et donc espérer comprendre — des bactéries avec un télescope ou à l’œil nu. De la même manière qu’il faut un microscope pour voir les bactéries, il faut une approche holistique pour analyser les systèmes complexes. Un microscope n’est pas mieux qu’un télescope ou qu’un oeil en soi, mais leur utilité dépend du contexte, de ce que vous essayez d’analyser. Il en va de même pour la pensée holistique et la pensée analytique.

Nous n’utiliserions pas un télescope pour analyser des bactéries, et pourtant nous utilisons la pensée analytique pour analyser des systèmes complexes, tout le temps. Bien qu’une approche ne soit pas meilleure qu’une autre, il existe un déséquilibre dans notre façon de penser. Un déséquilibre qui provient de la façon dont on nous a appris à penser, un déséquilibre qui est renforcé par des mécanismes dans notre cerveau qui luttent contre la remise en question de ce que nous pensons déjà savoir. Un déséquilibre qui est à la source des conséquences indésirables que nous observons et que personne ne veut vraiment.

Réduire ce déséquilibre est au cœur de ce que fait Systems Innovation (SI). En plus de proposer des cours d’eLearning, SI lancera, en septembre prochain, un Hub à Paris. Le Hub de Paris est un lieu pour apprendre la pensée systémique, pour rencontrer des spécialistes au niveau local, et bien sur pour appliquer ces connaissances pour aboutir à des changements profonds de notre société.

Vous-êtes prêt.e ? Rejoignez-nous.

Autrice : Mariana MIRABILE

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