Comment le changement se produit-il ?
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L’Institut Berkana propose une théorie — le modèle de la double boucle — sur comment le changement se produit dans les systèmes complexes. Les autrices de cette théorie — Margaret Wheatley et Deborah Frieze — partent de l’idée qu’un système social n’est pas une machine mais un système complexe et vivant, avec un cycle de vie : une naissance, une croissance jusqu’à un apogée (“peak”), et un déclin (Illustration 1).
Autour de son apogée, des alternatives au système dominant commencent à apparaître (Illustration 2). Ces alternatives proviennent des pionniers — des “walk outs” — c’est-à-dire des personnes qui tournent le dos au système dominant pour créer quelque chose de nouveau. Si ces alternatives restent isolées les unes des autres, rien ne se passe : le système dominant les détruira et/ou en prendra le contrôle, les absorbera. Airbnb est un exemple de cela pour l’idée de l’économie du partage. L’alimentation biologique produite en monoculture, de façon industrielle et vendue par la grande distribution, en est un autre.
À la différence d’une machine, que l’on peut démonter à tout moment de sa vie, nous ne pouvons pas défaire un système complexe qui est autour de son apogée. A ce moment là, la force et l’inertie (résistance au changement) du système sont à leurs points culminants, et combattront toute tentative de changement qui puisse mettre en péril sa façon de faire. Comme tout système vivant, il est enclin à se préserver.
Ceci est important car si le système que l’on analyse est autour de son apogée et produit des résultats indésirables — tel que le dérèglement climatique, la déforestation ou les inégalités croissantes par exemple — sa réforme serait peu probable et la construction d’un nouveau système serait donc nécessaire.
Comment construit-on un nouveau système ?
Les autrices soutiennent qu’un nouveau système émerge lorsque les efforts locaux — ces alternatives au système dominant qui apparaissent autour de son apogée — sont reliés en forme de réseaux et s’engagent ensuite à travailler comme une communauté de pratique (Illustration 3). Une communauté de pratique est un réseau de personnes qui ne se réunissent pas seulement pour satisfaire leurs propres besoins mais qui ont un but commun, plus grand que le projet de chacun des individus formant le réseau.
Le nouveau système peut remplacer le système dominant lorsqu’il est si bien formé que chacun peut désormais l’intégrer facilement et relativement sans effort. Les nouvelles pratiques deviennent à ce moment la norme et presque tout le monde commence alors à s’orienter vers le nouveau modèle.
Que pouvons-nous faire concrètement pour que ce nouveau système émerge ?
Wheatley et Frieze suggèrent quatre étapes — à mettre en place en parallèle si possible — pour qu’un nouveau système émerge et s’impose comme le système dominant (Illustration 4).
La première c’est nommer les alternatives. Les personnes qui travaillent dans les alternatives au système — les pionniers du monde de demain — sont trop occupées pour penser à étendre leur travail, et/ou trop humbles pour penser que d’autres en profiteraient. Cette première étape consiste à identifier et reconnaître ces acteurs comme des pionniers du changement, comme contribuant à des “petits bouts” du futur.
La deuxième étape consiste à connecter les acteurs entre eux, pour faciliter l’échange et les synergies. Par exemple, à travers la conception et facilitation des rassemblements, des plateformes, etc.
La troisième c’est nourrir, pour renforcer les initiatives et faciliter la transition vers des communautés de pratiques, par exemple en proposant des ressources, des kits, etc.
Enfin, illuminer, car il faut du temps et de l’attention pour que les gens voient les différentes initiatives pour ce qu’elles sont : des exemples du nouveau monde qui émerge. Dans cette étape on montre l’existence et la désirabilité du nouveau système. Dit de façon plus poétique par Saint Exupéry : “Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et large.”
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Autrice : Mariana MIRABILE
Sources : https://berkana.org/